Notre cabinet a eu récemment le plaisir d’accompagner un collectif de riverains, lors de la contestation devant le tribunal administratif de NANCY d’un permis de construire accordé par la Ville de NANCY à l’office métropolitain de l’habitat (OMH).
Ce projet portait sur la construction d’un immeuble, comportant 23 logements sociaux, implanté dans un secteur déjà extrêmement saturé situé entre la pépinière et le canal. L’emprise foncière de seulement 803 m² se serait vue restreinte, après réalisation du projet, à une superficie laissée végétalisée de seulement 89m².
Nous avons soutenu que ledit permis était entaché de nombreuses irrégularités, parmi lesquelles un vice d’incomplétude de la notice architecturale et du plan de masse figurant au sein de la demande de permis de construire, ainsi qu’une violation de l’article UA 13.2 du PLU. Ce dernier article impose à tout pétitionnaire de replanter un nombre d'arbres équivalent à celui des arbres abattus pour permettre la réalisation d’un projet.
En effet, l’office métropolitain n’avait relevé dans sa demande de permis de construire que la présence de 3 arbres sur les 10 arbres, pour certains centenaires, en réalité présents sur le terrain d’assiette du projet. Ces 3 arbres étaient désignés comme devant être
abattus dans leur intégralité. La Ville de NANCY a ainsi accordé le permis, sous réserve que seulement trois arbres soient replantés. Une telle erreur de comptage aurait été évidente pour n’importe lequel des observateurs attentifs circulant aux abords de ce terrain, comme cela ressort clairement tant de la photo que de la vue aérienne présentées à gauche.
Acte 1 : Le recours gracieux
Fort de ce constat, le collectif de riverains a bien tenté d’alerter la Commune sur ce point par un recours gracieux.
Cette dernière, dans une certaine indifférence, retorquera sur ce point qu’il ne lui appartenait pas de vérifier la véracité des informations soumises par les pétitionnaires. Contre toute attente, et malgré une démonstration pour le moins convaincante de la présence manifeste d’un nombre d’arbres bien supérieur à celui déclarés, la Commune ne jugera ni utile de retirer le permis de construire ni même de prendre le soin de vérifier les données lui ayant été soumises.
Le lecteur méfiant pourrait à ce stade aller jusqu’à s’interroger sur la sympathie inhabituelle dont la Commune a pu alors faire preuve à l’égard d’un pétitionnaire qui ne lui était pas totalement étranger, le Président de l’un étant également le Maire de l’autre. Cette sympathie est d’autant plus étonnante, lorsque l’on sait avec quelle force la municipalité actuelle œuvre en faveur du renforcement des zones végétalisées au sein de la cité ducale.
Acte 2 : Le recours devant le Tribunal administratif
En considération du refus opposé à ce recours gracieux, l’engagement d’un recours par devant le Tribunal administratif devint inévitable.
À hauteur de Tribunal, l’OMH et la Commune ne manquèrent pas de soutenir en défense que les requérants ne démontraient aucunement la présence de 10 arbres, soit rappelons le 7 arbres de plus que ceux comptés par leur soin.
L’office disposait pourtant déjà à ce moment d’une étude phytosanitaire qui, réalisée sur sa demande et produite bien plus tard par lui-même devant le Tribunal, constatait la présence d’au moins huit arbres sur le terrain d’assiette du projet. Ici encore, le lecteur suspicieux pourrait céder à la faciliter d’affubler l’OMH d’une très légère mauvaise foi, ce que le rédacteur de ces lignes ne saurait l’encourager à faire.
Contraint de produire un procès-verbal d’huissier réalisant un comptage et une identification précise des 10 arbres présents sur l’unité parcellaire du projet, le collectif de riverains appuyé par notre cabinet parvint à emporter la conviction du Tribunal.
Celui-ci constatera par un jugement en date du 5 janvier 2024 l’irrégularité du permis, en ce que le nombre d’arbres déclarés par le pétitionnaire, et dont le replantage était imposé par la Commune, était insuffisant. Le Tribunal accordera 6 mois à l’OMH pour tenter d’obtenir une régularisation de son permis de construire par le dépôt d’un permis modificatif.
Acte 3 : L’examen de la mesure de régularisation par le Tribunal
Afin de tenter de régulariser le permis querellé, l’OMH s’est porté acquéreur d’une parcelle contiguë à celle constituant initialement l’unité foncière de son projet et appartenant d’ailleurs à nulle autre personne que la Commune de NANCY.
Détail pour le moins cocasse, dans une délibération en date du 19 juin 2023, la ville cédait ce terrain à l’OMH, soit presque 6 mois avant le jugement constatant l’irrégularité du permis. Si cela ne résulte pas in extenso des motivations de la délibération telle que rédigée au sein du registre des délibérations du Conseil municipal, et plus particulièrement de la retranscription des propos du rapporteur y figurant, il est fort intéressant de constater qu’au sein de l’enregistrement vidéo du conseil municipal du 22 mai 2023, le rapporteur de la délibération portant désaffectation et déclassement de la parcelle considérée précisait alors : « La nouvelle demande de permis déposée en Aout 2022 a été contestée. Pour régulariser la situation, nous proposons d’utiliser la parcelle d’à côté, la parcelle AO 179p et de l’adjoindre au terrain initial et satisfaire à la compensation environnementale du projet ».
Cette vente a donc de manière anticipée été réalisée par la Commune en faveur de l’OMH, afin de régulariser un permis qui n’avait pas encore été constaté comme irrégulier par le Tribunal. D’aucuns pourraient y voir un indice selon lequel tant la Commune que l’OMH avaient déjà conscience que le permis était manifestement irrégulier et ce probablement dès l’instant où il avait été accordé.
L’objectif était clairement de pouvoir y replanter les arbres manquants, ce que les 89m² de superficie végétalisée laissés par le projet initial ne permettait certainement pas d’accomplir. La demande de permis modificatif portait donc pour l’essentiel sur ce point.
Petit aparté, cette vente de la parcelle communale à l’OMH fait encore actuellement l’objet d’un recours engagé par les mêmes riverains devant le Tribunal administratif, l’annulation de celle-ci pouvant permettre de renforcer leur position dans la situation où l’OMH souhaiterait l’utiliser pour développer un nouveau projet.
Fort de cette acquisition, l’OMH obtint sans grand étonnement un permis modificatif de la part de la Commune. Pourtant sur ce permis modificatif, fut désormais mentionné que 8 arbres étaient présents sur le terrain d’assiette du projet et que 7 devraient après destruction être replantés.
De nouveau, le lecteur attentif qui ne posséderait que les rudiments mathématiques d’un élève du cours élémentaire ne manquera pas de constater l’étonnante aptitude arithmétique de la Commune et de l’OMH à faire disparaître les arbres. Le jugement précédemment rendu était pourtant limpide. 10 arbres furent comptés par le tribunal sur la parcelle. Il apparait dans ces circonstances, totalement effarent que l’OMH ait pu obtenir de la part de la Commune un tel permis modificatif, et ce alors même que l’évidence portait à considérer que le nombre d’arbres mentionnés n’était toujours pas le bon.
De plus fort, la parcelle nouvellement acquise ne permettait aucunement au permis initial d’être régularisé, dès lors qu’elle était grevée par sa nature riveraine au canal de la Marne au Rhin d’une servitude de halage empêchant notamment « de planter des arbres et de clore par haie autrement qu'à une distance de 9,75 mètres du côté où les bateaux se tirent et de 3,25 mètres sur le bord où il n'existe pas de chemin de halage ». Nous ne manquâmes évidemment pas de porter cette information à l’attention du juge administratif.
Fort logiquement, le second jugement rendu le 10 décembre 2024 par le Tribunal administratif, (fichier joint) frappant le permis et le permis modificatif d’illégalité, procédera inévitablement à leur annulation « en tant qu'ils ont été pris en méconnaissance des dispositions due) de l'article R.431-8 du code de l'urbanisme et de celles de l'article UA 13-2 du plan local d'urbanisme de la commune de Nancy et en tant que l'arrêté du 21 février 2024 contrevient à la servitude de halage EL3 dont est grevée la partie de la parcelle cadastrée section AO n°179P acquise par l'OMH ».
Ce troisième acte fit l’objet de deux articles successifs au sein de l’Est Républicain en date du 20 novembre puis du 10 décembre 2024.
L’OMH a depuis lors, et ce dès les conclusions favorables du rapporteur public, dû se résoudre à demander le retrait de ce permis de construire à la Commune qui, par un arrêté en date du 20 novembre 2024 (ci-joint), s’est exécutée.
Il s’agit là d’un résultat particulièrement satisfaisant pour nos clients.
Ce jugement démontre qu’un recours engagé contre une construction riveraine, si elle est loin d’être une sinécure pour l’avocat en charge du dossier, n’en demeure pas moins une démarche qui peut prospérer et ce même lorsque le pétitionnaire apparait intimement lié à l’administration dépositaire du pouvoir urbanistique.
Notre cabinet est là pour vous accompagner, n’hésitez pas à nous contacter.
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